L’oubli en héritage: vivre dans l’urgence
L’oubli en héritage: vivre dans l’urgence
À la loterie du mauvais gène de l’Alzheimer précoce, une forme rare de la maladie, Sandra Demontigny a gagné. Elle avait une chance sur deux, après avoir vu son père dépérir, lui-même atteint. Une malchance sur deux, devrais-je dire.
Peu de temps après le diagnostic en juin 2018, cette ancienne sage-femme a choisi de partager sa situation sur les réseaux sociaux puis dans les médias. Ces années qu’il lui restait à vivre devaient servir à quelque chose, pour la prochaine génération, tant pour le traitement de la maladie que pour l’accès à l’aide médicale à mourir, alors encore inaccessible aux personnes atteintes d’Alzheimer.
Sur une période de trois ans, le chef d’antenne d’ICI Québec Bruno Savard et son collègue caméraman Steve Breton ont suivi Sandra Demontigny et sa famille dans leur vie de tous les jours. Pour mieux comprendre la maladie, en voir les répercussions, et pour sentir l’urgence de vivre de cette femme inspirante et des siens, il faut voir le documentaire L’oubli en héritage, diffusé dans Doc humanité samedi à 22h30, en plus d’être disponible sur ICI Tou.tv.
«Cette fille-là change les gens. Elle est dans une classe à part, elle est magique», me dit Bruno Savard, qui entretient un lien particulier avec Sandra Demontigny; c’est à lui qu’elle a accordé sa toute première entrevue en janvier 2019 au Téléjournal Québec. Elle avait alors 39 ans.
«J’ai été renversé ce jour-là. Puis, plus je la voyais dans les médias, plus je me disais que cette femme avait une histoire à raconter», affirme le chef d’antenne, qui a alors initié l’idée du documentaire, une première dans son cas.
Sandra Demontigny, qu’on perçoit souvent forte en entrevue, s’y montre aussi dans ses moments de plus grande vulnérabilité. Particulièrement durant un rendez-vous avec le Dr Robert Laforce, neurologue de la clinique interdisciplinaire de la mémoire au CHU de Québec, qui lui apprend qu’elle dispose de «quatre ou cinq ans de belles années cognitives» devant elle.
«Juste ça?» demande la patiente, sous le choc, dans l’obligation de quitter son emploi.
Plus tard, en décembre 2019, autant elle saute de joie en apprenant qu’elle aura accès au nouveau traitement, autant elle tombe de haut quelques mois plus tard devant l’échec des études. De faux espoirs qui laissent un goût amer.
Plusieurs choses m’ont marqué dans L’oubli en héritage, dont la grande maturité des trois enfants du couple, qui s’expriment de magnifique façon à la caméra. L’aîné, Matisse, 16 ans au moment de l’entrevue, explique notamment qu’il compte les années qui pourraient lui rester s’il est porteur du gène.
Ça change tout dans la vie du jeune homme : vaut-il la peine de faire des années d’université dans un horizon de vie de 20 ou 25 ans, plutôt que de profiter de ce temps précieux à simplement vivre sa vie?
«C’est comme si la crise de la quarantaine, on la vit à 20 ans», offre-t-il comme parallèle.
Le cadet, Sacha, parle de l’intensité du moment où la personne atteinte doit annoncer la nouvelle à sa famille. On accompagne aussi sa sœur Daphnée chez le neurologue, alors qu’elle songe à passer les tests pour savoir si elle est porteuse du gène, une décision qui ne se prend pas à la légère et implique une grande charge émotive.
Jolie coïncidence, la fille de Sandra, Daphnée, a donné naissance à son premier enfant le 24 octobre dernier, quelques jours à peine avant la diffusion du documentaire.
Si les causes de l’Alzheimer vous sont encore étranges, le Dr Laforce vous éclairera et vous comprendrez mieux. J’ignorais notamment que la maladie commence à attaquer le cerveau 20 à 25 ans avant l’apparition des premiers symptômes.
Si elle va bien à l’heure où on se parle, comblée depuis la naissance de son petit-fils, elle n’en est pas moins en proie à des épisodes de stress et d’anxiété. «Ça vient par phases. Elle pourrait commencer par perdre la faculté de parler, une des conséquences possibles de l’Alzheimer. Elle sait qu’elle a toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête», m’explique Bruno Savard.
«Je ne veux pas mourir en déchéance avancée», insiste l’héroïne du documentaire. Le jour où elle ne reconnaîtra plus ses enfants, ne saura plus s’alimenter ou aller aux toilettes par elle-même, elle veut pouvoir partir.
«Si ça ne fonctionne pas pour moi, si un de mes enfants est atteint, très fort probablement qu’il va avoir une médication», dit la maman de Sacha, Daphnée et Matisse.
Specifik Aide aide les gens atteints de cette maladie qu’est l’Alzheimer
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